Un récent article paru dans les Cahiers de Nutrition et de Diététique fait le point sur l’intolérance au lactose. L’hypolactasie de l’adulte n’induit pas forcément de troubles digestifs et de nombreux patients qui se pensent intolérants au lactose sont dans l’erreur. Chez la majorité des sujets intolérants, le maintien des produits laitiers dans l’alimentation est possible, à condition de suivre quelques conseils diététiques simples.
L’apparition de symptômes digestifs après ingestion de lactose, définit l’intolérance à ce sucre, principal glucide du lait. Pour être absorbé, ce disaccharide doit être digéré par une enzyme, la lactase (ou bêta-galactosidase), qui libère du galactose et du glucose. La lactase est fortement exprimée dans l’intestin grêle du nourrisson. Chez l’adulte, il existe deux populations : des sujets dits « lactase persistants », chez lesquels l’activité de la lactase intestinale est voisine de celle observée chez un nourrisson et des sujets dits « lactase non persistants » ou « hypolactasiques », chez lesquels les taux de lactase intestinale sont plus bas. En France, les études épidémiologiques montrent que la fréquence du phénotype « lactase non persistante » est de 20% dans le Nord et de 50% dans le Sud. Lorsqu’une certaine quantité de lactose n’est pas digérée, elle peut atteindre le côlon où elle est fermentée, ce qui aboutit à une production de gaz. Les sujets intolérants peuvent ressentir des ballonnements et des borborygmes et pour des doses plus fortes, des douleurs abdominales et éventuellement une diarrhée liquide de mécanisme osmotique.
Beaucoup de sujets se pensent à tort intolérants au lactose
Les sujets hypolactasiques ne ressentent pas forcément les symptômes de l’intolérance au lactose, qui n’interviennent que lorsque la capacité de digestion d’une certaine dose de lactose –variable pour chaque individu- est dépassée. Dans les études en double aveugle, seulement 20% ont des signes d’intolérance s’ils consomment 12 g de lactose en une prise (environ l’équivalent d’un quart de litre de lait). Dans l’étude de Vesa et al., 39 sujets hypolactasiques ont ingéré des laits contenant de petites quantités de lactose, allant jusqu’à 7 g ou un placebo sans lactose. Les symptômes ont été comparés après ingestion de ces différentes prises ; le protocole était mené en crossover et double aveugle. La dose de 7 g de lactose n’a pas provoqué plus de symptômes que le lait sans lactose, bien que les sujets étudiés s’estiment très intolérants au lactose. Ce groupe des sujets hypolactasiques a cependant éprouvé plus de symptômes après ingestion de tous les laits, y compris du lait sans lactose, que des témoins lactase persistants. Plusieurs travaux ont montré l’association de l’intolérance subjective au lactose au syndrome de l’intestin irritable, cause la plus fréquente des troubles digestifs en France, affectant plus de 10 % de la population. Des travaux suggèrent que des facteurs psychologiques puissent participer à l’intolérance sans en être la cause unique. Par exemple, dans l’étude de Tomba et al., le score psychologique de somatisation était significativement plus élevé chez les sujets se plaignant d’intolérance au lactose que chez les sujets malabsorbeurs sans intolérance.
[bctt tweet= »Certaines personnes se pensent à tort intolérantes au #lactose et s’imposent un régime inutile n’apportant pas assez de #calcium » username= »YaourtNutrition »]Des symptômes digestifs attribués aux produits laitiers peuvent être occasionnés par d’autres aliments
La pathogénie de l’intolérance au lactose est commune à celle de l’intolérance à d’autres FODMAPs (Fermentable Oligo or Disaccharide or Monosaccharide and Polyols), tels que le sorbitol contenu dans les fruits ou le cidre et le xylitol, ingrédient de bonbons ou chewing-gums « sans sucres ajoutés ». Les signes et la pathogénie étant les mêmes, un sujet peut ressentir des troubles similaires après avoir ingéré une dose seuil totale de sorbitol apportée simultanément ou dans un court délai par des fruits ou du cidre, une dose de lactose apportée par du lait et une dose d’oligosaccharides apportés par des haricots blancs. Les signes et la pathogénie étant les mêmes, un sujet peut ressentir des troubles similaires après avoir ingéré dans un court délai une dose seuil de sorbitol apporté par des fruits ou du cidre, de lactose apporté par du lait ou d’oligosaccharides apportés par des haricots blancs. Dans ces conditions, il devient difficile d’attribuer au seul lait les symptômes ressentis. Une étude récente (Schiffner et al., 2016) a également trouvé une association entre intolérance au lactose et présence d’autres intolérances alimentaires (notamment au fructose, qui compte parmi les FODMAPs). Plusieurs études ont montré une moins bonne tolérance à d’autres sucres, par exemple le lactulose. En d’autres termes, certains sujets attribuent leurs troubles aux produits laitiers alors que d’autres aliments, comme les fruits ou jus de fruits, en sont tout autant, voire plus responsables.
Le yaourt, aliment de choix pour les patients intolérants au lactose
La perception subjective d’une intolérance au lactose s’associe statistiquement à la décision de réduire ou d’éviter les produits laitiers, ce qui peut conduire à des apports insuffisants en calcium et à un risque accru de désordres osseux. L’étude de Schiffner et al. a montré une association entre intolérance au lactose et incidence de l’ostéoporose. Or, chez la majorité des intolérants, le maintien des produits laitiers dans l’alimentation est possible au prix de quelques conseils diététiques. Il faut rappeler que l’intolérance au lactose n’est pas une allergie aux protéines du lait de vache, n’en partageant ni les mécanismes immunologiques, ni le seuil de déclenchement des troubles. La digestion d’une charge de lactose n’est pas seulement influencée par la concentration de lactase à la surface de chaque entérocyte, mais aussi par le débit de lactose dans l’intestin, qui résulte de la vidange gastrique. Cette dernière dépend fortement du caractère strictement liquide, solide ou semi-solide des aliments. Ainsi, dans une étude de Vesa, Marteau et al. , le temps de demi-vidange du lait ingéré seul était de 27 minutes et celui du yaourt de 70 minutes. Ce qui signifie que la lactase intestinale a trois fois plus de temps pour digérer le lactose du yaourt que pour digérer celui d’un liquide comme le lait.
En conclusion, il est judicieux de conseiller aux patients intolérants au lactose de privilégier la consommation de produits laitiers semi-solides (yaourt) ou solides (fromage), au cours des repas -en quantité adaptée à leur capacité digestive-. Le lactose du yaourt est en outre bien toléré grâce à la lactase apportée par ses ferments vivants, qui le digère pendant le transit dans l’intestin. Enfin, il existe dans le commerce des laits hydrolysés qui ne contiennent pratiquement pas de lactose.