La prochaine fois que vous passerez à table, faites une petite pause avant d’attaquer le repas et réfléchissez au vaste réseau d’activités, de ressources et de personnes qui ont joué un rôle dans le parcours de vos aliments jusqu’à votre assiette…
L’ensemble des ressources nécessaires à notre alimentation est connu sous le nom de système alimentaire. Ce système intègre la production agricole, la transformation, le conditionnement, la distribution, la commercialisation, la consommation et même l’élimination des aliments.
Le système alimentaire a évolué en réponse à la demande d’aliments sains, sûrs, abordables et appétissants. Aujourd’hui, une nouvelle tendance apparait, celle des produits respectueux de l’environnement.
Le système alimentaire est de plus en plus sous pression du fait des changements climatiques et de l’augmentation de la population mondiale. Il est vulnérable face aux économies des nations et aux bouleversements politiques, comme les guerres. Nourrir le monde en dépit de ces changements pose toute une série de difficultés qui laissent les experts perplexes.
Les experts appellent à une nouvelle approche de recherche sur l’alimentation durable
Des experts internationaux ont ainsi souligné le besoin urgent d’intensifier les recherches sur la durabilité et ont appelé un groupe de professionnels spécialement formés à prendre en compte tout ce qui influence le système alimentaire, depuis la santé environnementale et la géographie jusqu’au commerce et à la politique. Ils doivent réfléchir à la façon de rendre notre alimentation durable, en équilibrant l’impact environnemental et les bénéfices sur la santé. De fait, ils doivent résoudre le casse-tête qui consiste à faire en sorte que chaque habitant du monde puisse bénéficier d’une bonne alimentation pour soutenir sa santé – et ce pour les générations à venir.
Qu’est-ce qu’une alimentation durable ?
Dans un consensus auquel ils sont parvenus à l’issue d’une rencontre à Chicago, États-Unis, les auteurs décrivent l’alimentation durable comme une alimentation à faibles impacts environnementaux, qui contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des générations présentes et futures.
« L’alimentation durable est protectrice, respectueuse de la biodiversité et des écosystèmes, est acceptable culturellement, accessible, économiquement équitable et abordable. Elle est nutritionnellement correcte, sûre et saine, tout en optimisant les ressources naturelles et humaines. » – Drewnowski A et al, 2018.
Un système alimentaire durable est défini dans le consensus de Chicago comme un système caractérisé par la productivité agricole, la diversité des sources alimentaires, l’accessibilité économique des aliments pour les consommateurs, l’utilisation de ressources naturelles pour l’agriculture et l’urbanisation de la population vivant du système.
Les systèmes alimentaires durables sont menacés
Le consensus arrive au milieu de préoccupations croissantes concernant le fait que la production alimentaire mondiale repose de plus en plus sur des pratiques d’agriculture intensive qui peuvent provoquer une déplétion des ressources naturelles, incluant la terre, l’eau et l’énergie. Ces risques pour la durabilité peuvent être aggravés par le réchauffement global et les changements climatiques, selon les auteurs.
Mais l’impact environnemental de l’alimentation n’est qu’une partie de l’histoire de l’alimentation durable, avertissent-ils. La santé, l’économie et la société jouent également des rôles clés dans un système alimentaire durable. Les scientifiques devront trouver un compromis entre les divers éléments découlant des changements du système alimentaire ; par exemple, les effets bénéfiques sur l’environnement pourraient être obtenus au détriment des résultats de santé.
« Nourrir la population mondiale, estimée à 9 milliards d’ici 2050, mettra à l’épreuve la durabilité et la résilience des systèmes alimentaires. » – Drewnowski A et al, 2018.
Les régimes alimentaires sains sont-ils également bons pour la planète?
La mesure de la qualité de l’alimentation par rapport à l’impact environnemental et aux résultats de santé est donc un élément essentiel du dilemme actuel de la durabilité. Et si la nutrition durable doit réduire la faim et la sous-nutrition dans le monde, elle doit également réduire le risque d’obésité et de maladies chroniques associées.
Toutefois, les lacunes importantes dans notre connaissance des liens entre d’une part le système alimentaire, et d’autre part la nutrition et la santé, gênent les experts dans leur capacité à prédire l’impact que les changements du système alimentaire auront sur notre santé. Ces lacunes doivent être comblées grâce à une collaboration internationale entre scientifiques de tous horizons liés au système alimentaire, de l’agriculture à la santé en passant par l’environnement – avec un champ d’action atteignant les gouvernements, l’industrie et le monde scientifique.
Les régimes végétariens pourraient ne pas détenir la réponse
L’une des questions clés auxquelles les chercheurs doivent répondre est de savoir si nous devrions passer d’un régime basé sur l’élevage, et notamment de bovins et de vaches laitières, à un régime à base de plantes. La production de viande et de produits laitiers consomme plus de ressources en terre et en eau que celle des autres aliments et elle contribue aux gaz à effet de serre, selon les auteurs. Néanmoins, les pâturages constituent aujourd’hui la majeure partie des terres agricoles dans le monde, faisant de l’élevage un moyen de subsistance majeur. Un changement radical du comportement alimentaire des consommateurs semble être un défi de taille
De plus, il faut tenir compte de la valeur nutritionnelle de ces aliments. Pour les personnes des pays plus pauvres notamment, la viande, le poisson et les produits laitiers sont des sources vitales de protéines de grande qualité et de certaines vitamines vitales qu’elles ne peuvent pas se procurer aussi facilement à partir de régimes alimentaires à base de plantes, poursuivent les auteurs.
Les recherches doivent établir si le coût environnemental de l’élevage est compensé par sa valeur nutritionnelle plus élevée et dans quelle mesure l’efficacité de la production animale peut être améliorée tout en réduisant l’impact sur l’environnement.
Effets de la modélisation sur les systèmes alimentaires durables
D’autres études sont également nécessaires sur la façon dont le réchauffement global et les catastrophes météorologiques pourraient affecter notre système alimentaire, y compris les récoltes, le transport et le stockage des aliments, ainsi que les prix, avec des conséquences éventuelles en termes d’agitation sociale. Les inquiétudes relatives à l’utilisation excessive des pesticides et des engrais doivent également être prises en compte, selon les auteurs.
Une meilleure compréhension de ces influences permettra aux chercheurs de modéliser les difficultés telles que le réchauffement global ou les contraintes économiques, et de tester ainsi la résilience de notre système alimentaire vis-à-vis de ces menaces. Les auteurs indiquent que cette modélisation nous aidera également à prévoir les effets des changements de notre système alimentaire sur la nutrition et la santé.
Les quatre dimensions d’un système alimentaire durable
Les auteurs du consensus de Chicago ont identifié quatre éléments essentiels d’une alimentation durable, chacun nécessitant ses propres mesures :
- La dimension santé– qualité et sécurité des sources alimentaires. Les recherches doivent développer des outils permettant de mesurer à quel point les aliments sont riches en nutriments, sûrs, accessibles et appétissants. Nous devons également analyser l’effet des modes alimentaires des personnes sur le statut nutritionnel, le risque de maladie et la santé de la population.
- La dimension économique– effet des prix sur l’offre et la demande de produits alimentaires. Cela signifie de recueillir des données sur les aliments produits par les petits agriculteurs locaux ainsi que par les grandes entreprises et sur les effets des politiques économiques dans chaque région. L’accessibilité des aliments doit être mesurée en termes de calories et de nutriments par coût unitaire.
- La dimension sociétale– facteurs culturels, sociaux et religieux qui orientent les choix alimentaires. Des études doivent examiner les attitudes et les comportements liés à l’alimentation. L’acceptation culturelle des aliments par région doit être mesurée par la fréquence à laquelle les personnes consomment ces aliments.
- La dimension environnementale– l’impact du système alimentaire sur l’utilisation de la terre, de l’eau et de l’énergie, au niveau local et au niveau mondial. Cela inclut l’évaluation de la résilience du système alimentaire vis-à-vis des contraintes environnementales telles que les conditions météorologiques extrêmes, les changements climatiques et la diminution des ressources. Cela inclut également l’influence de l’utilisation des antibiotiques sur la production alimentaire et son effet sur notre santé. Les coûts environnementaux de la production agricole et alimentaire ont été mesurés partiellement au travers des émissions de gaz à effet de serre, exprimées en équivalents carbone par kilogramme d’aliment.