Le choix d’aliments fermentés tels que le yaourt peut être une bonne façon pour nous d’ingérer des bactéries vivantes « bénéfiques » susceptibles d’être associées à des bienfaits pour la santé. Mais les aliments fermentés ne contiennent pas tous des microbes vivants et, lorsqu’ils en contiennent, la concentration de ces ferments peut varier considérablement entre les produits.
La fermentation est utilisée depuis longtemps pour prolonger la durée de conservation des aliments et, dans certains cas, améliorer leur goût. Mais, plus récemment, nous avons commencé à comprendre le rôle que les aliments fermentés avec des ferments vivants pourraient jouer pour améliorer notre santé.
Nombre des micro-organismes présents dans les aliments fermentés peuvent survivre à leur traversée de l’intestin jusqu’au côlon. Ils s’y mêlent à la vaste communauté microbienne qui peuple naturellement l’intestin et, même s’ils ne font que le traverser, peuvent moduler cette communauté. Des études ont ainsi montré que les bienfaits potentiels pour la santé des aliments fermentés, tels que le yaourt, peuvent inclure la diminution du risque de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires.
Si nous savons que le yaourt vivant contient des quantités importantes de bactéries bénéfiques, les connaissances ne sont pas les mêmes pour d’autres aliments fermentés, qui pourraient pourtant être intéressant pour leurs bienfaits pour la santé.
Quelle quantité de microbes dans les aliments fermentés ?
Pour en savoir plus, les auteurs de cette publication ont examiné plus de 140 études ayant calculé les nombres d’organismes vivants dans les aliments fermentés les plus couramment consommés, généralement disponibles dans le commerce. Ils ont inclus les aliments fermentés appréciés dans différentes régions du monde : depuis les produits laitiers, saucisses et légumes fermentés jusqu’aux aliments fermentés à base de soja et de céréales.
Les résultats ont montré que de nombreux produits fermentés sont une bonne source de ferments vivants, en particulier de bactéries lactiques – y compris des espèces ayant été associées à des bienfaits pour la santé. Toutefois, le nombre de microbes dans les aliments fermentés varie fortement selon le type d’aliment, sa région de provenance et sa durée de conservation avant les tests. Ainsi, par exemple, les produits plus frais tels que les yaourts et les autres laits fermentés ont des taux de bactéries vivantes bénéfiques plus élevés que les fromages affinés.
Les yaourts et autres produits laitiers peuvent contenir des taux élevés de bactéries
Tous les yaourts de l’enquête contenaient les deux organismes nécessaires à la culture du yaourt (Streptococcus thermophilus et Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus) à des taux compris entre 104 et 109 UFC (unités formant colonie, utilisées pour estimer les bactéries viables) par gramme ou ml. Ces taux étaient similaires dans le yaourt glacé. Lorsque les yaourts étaient produits avec des bactéries supplémentaires, celles-ci étaient présentes à des nombres atteignant 108 UFC/g.
Un tableau différent a émergé pour les fromages, dont 30 types provenant de 18 pays ont été étudiés. Les quantités de ferments les plus élevées ont été retrouvés dans le fromage Tilsit de 2 à 4 mois d’âge. En revanche, le parmesan et le gruyère suisse, tous les deux de plus de 12 mois d’âge, ne contenaient plus de micro-organismes détectables.
Les autres produits fermentés contenaient des quantités de bactéries très variables
Les auteurs ont passé en revue les résultats d’un vaste éventail d’autres aliments fermentés de par le monde, montrant que :
- Le porc et le bœuf fermentés en provenance de plusieurs pays avaient des taux allant d’indétectables à élevés – 1010 UFC/g. Les saucisses fermentées des États-Unis contenaient moins de micro-organismes que celles des pays européens où elles ont tendance à être produites par de plus petits fabricants.
- La recette populaire du chou fermenté, le sauerkraut ou choucroute, avait des nombres de bactéries lactiques compris entre 103 et 108 UFC/g, alors que les olives cultivées en Europe et aux États-Unis contenaient entre 104 et 108 UFC/g de bactéries lactiques.
- Des variations similaires étaient observées pour les produits fermentés asiatiques traditionnels tels que le tempeh et le poisson fermenté.
- Les porridges et gruaux fermentés à base de millet ou de maïs largement consommés dans de nombreux pays africains avaient des nombres de bactéries compris entre 105 et 109 UFC/g.
- Concernant la bière, les nombres de bactéries lactiques étaient compris entre 102 et 105UFC/g en fonction du type et de l’âge de la bière.
« Sur la base des données rapportées dans cette enquête, la consommation d’aliments fermentés non seulement procurerait des macronutriments importants, mais elle pourrait aussi délivrer au tractus gastro-intestinal de grands nombres de micro-organismes potentiellement bénéfiques. » – Rezac S et al, 2018.
De combien de bactéries vivantes avons-nous besoin ?
Il existe peu de recommandations sur les nombres de micro-organismes vivants que nous devrions consommer pour obtenir un effet bénéfique sur notre santé. La seule exception concerne le yaourt et son effet bénéfique sur la digestibilité du lactose, qui a conduit à ce que les normes européennes exigent que le yaourt contienne au moins 108 UFC de ferments vivants par gramme pour que son bénéfice santé soit démontré.
Les recherches récentes ont suggéré que nous devrions consommer 1010 ferments pour influencer notre microbiote intestinal et obtenir un effet bénéfique potentiel sur notre santé. Nous pourrions y parvenir en consommant 100 g d’aliments fermentés contenant 108 ferments/g, selon les auteurs. Leurs résultats montrent que cela serait possible avec plusieurs des produits fermentés analysés – par exemple, consommer 100 g de yaourt par jour, contenant 108 UFC/g de bactéries lactiques, nous permettrait d’atteindre notre objectif quotidien de 1010 microbes.
Certains aliments fermentés ne contiennent pas d’organismes vivants
En revanche, certains aliments sont produits par fermentation mais ne contiennent plus d’organismes vivants lorsque nous les consommons. Ainsi, le pain, certaines bières et le vin utilisent des levures pour la fermentation, mais les organismes sont tués ou éliminés au cours de la production. Ces aliments pourraient encore exercer des effets bénéfiques sur la santé, même sans les microbes vivants, par exemple, la fermentation pourrait produire des vitamines ou d’autres molécules bioactives qui ne sont pas présentes dans l’aliment d’origine.
Les aliments fermentés dans les recommandations alimentaires
Les auteurs suggèrent que les aliments fermentés devraient être inclus dans les recommandations alimentaires destinées à des populations spécifiques, en introduisant les aliments fermentés dès la petite enfance dans le cadre de l’alimentation quotidienne par exemple. La consommation régulière d’aliments fermentés pourrait également être particulièrement utile pour les membres des communautés à faible revenu qui sont particulièrement vulnérables aux infections intestinales.
« … plusieurs groupes renommés ont recommandé que les professionnels de santé encouragent la consommation d’aliments fermentés contenant des microbes vivants dans le cadre d’une politique de santé publique » – Rezac S et al, 2018.