Une étude récente met en lumière le lien étroit entre le microbiote intestinal et les performances sportives. Selon les scientifiques, les athlètes ont leur propre « signature » microbiotique et certaines caractéristiques du microbiote sont associées à l’amélioration des performances physiques.
En dévoilant les secrets du mystérieux monde microbien de notre intestin, ces recherches pourraient ouvrir la voie à des approches innovantes permettant d’exploiter la relation entre le microbiote et la fonction physiologique. Elle pourrait conduire à des changements radicaux dans la nutrition sportive et l’amélioration des performances.
Le microbiote intestinal – une communauté de « petits assistants »
Les performances des athlètes dépendent en partie de ce qui se passe à l’échelle microscopique dans l’intestin. En effet, chacun d’entre nous représente un écosystème de cellules humaines et de cellules microbiennes intestinales agissant en symbiose pour déterminer notre santé et notre bien-être. Parmi les métabolites produits par notre communauté de 10 à 100 milliards de microbes intestinaux, on trouve des acides gras à chaîne courte (AGCC) [1] qui contribuent à l’homéostasie intestinale, modulent le système immunitaire et influencent même les fonctions cérébrales [2]. Les AGCC contribuent également au maintien de l’énergie et constituent donc un avantage particulier lors d’un exercice prolongé. En effet, il a été démontré que leur production augmentait en association avec l’entraînement d’endurance.
Mais le microbiote est une communauté sensible, influencée par l’alimentation, l’âge, le stress, la maladie et certains traitements médicamenteux [3,4,5]. Des études récentes ont montré que l’exercice physique est un autre facteur d’influence, car la pratique modérée et régulière d’une activité physique améliore la diversité et la composition du microbiote intestinal [6]. Les données suggèrent que l’activité du microbiome est liée aux performances sportives [7].
Les caractéristiques du microbiome d’un athlète dépendent de son type de sport, comme l’ont suggéré des recherches antérieures. L’entraînement d’endurance, comme le marathon, augmente la production d’AGCC – contribuant au maintien de l’apport énergétique – et à une abondance d’espèces bactériennes ayant des propriétés anti-inflammatoires. Le profil du microbiote des sportifs de force favorise quant à lui l’utilisation des protéines, permettant de soutenir le développement musculaire [8].
Ces données soulèvent l’interrogation quant à la possibilité d’optimiser les capacités de chaque athlète en modifiant la composition du microbiome, afin d’améliorer les performances de manière ciblée.
Identifier les modifications du microbiome induites par l’exercice physique
Pour approfondir cette possibilité, les chercheurs ont comparé les modifications des microbiotes avant et après exercice dans trois groupes de personnes en bonne santé :
- deux populations sportives – athlètes de force et athlètes d’endurance
- et un groupe contrôle, non sportif mais physiquement actif.
Les athlètes ne concouraient pas à un niveau professionnel.
Chacun des trois groupes a effectué deux séances d’exercice, séparées par une période de deux semaines, afin d’évaluer :
- L’aptitude à l’explosivité et à l’intensité élevée en répétant une activité de 30 secondes sur un vélo ergométrique
- La capacité cardio-respiratoire sur un tapis de course
Le microbiote étant sensible aux changements alimentaires, même sur une période de 24 heures, les chercheurs ont pris soin d’évaluer les variations microbiennes induites par l’exercice indépendamment des variations alimentaires à court terme. Des recommandations alimentaires ont été données pendant au moins deux semaines avant chaque test d’effort, chaque participant recevant des menus types basés sur ses préférences nutritionnelles et son mode de vie.
La forme physique est liée à une meilleure diversité du microbiome
Au début de l’étude, les groupes d’endurance, de force et de contrôle présentaient des caractéristiques communes dans le microbiome, notamment des niveaux de diversité et des proportions de phyla similaires, comme on peut s’y attendre chez les personnes en bonne forme physique et en bonne santé. Mais un tiers des espèces identifiées étaient propres à chaque groupe.
Après l’exercice, les trois groupes ont montré des changements dans les profils du microbiome, la pratique physique améliorant la diversité microbienne. Dans cette étude, aucune différence marquée n’est apparue entre les groupes de contrôle, de force et d’endurance – probablement parce qu’ils étaient tous actifs de la même manière, mais ne s’entraînaient pas à un niveau professionnel, expliquent les chercheurs.
Des échantillons longitudinaux – prélevés avant et après l’exercice – ont révélé une abondance d’Alistipes communis chez les athlètes de force pendant le test de fitness à haute intensité. Lors du test d’aptitude cardiorespiratoire, 88 espèces ont montré des différences entre les trois groupes.
Parmi les espèces bactériennes retrouvées tout au long de l’étude, deux espèces productrices d’AGCC, Bifidobacterium longum et Bifidobacterium adolescentis, ont été améliorées. Ces deux espèces probiotiques, que l’on trouve aussi couramment dans les produits du commerce, sont toutes deux corrélées avec une amélioration de tous les paramètres de condition physique mesurés, en particulier la condition cardiorespiratoire (mesurée par la VO2max pendant le test sur tapis roulant). Les AGCC présentent un avantage dans les sports d’endurance : non seulement ils peuvent être utilisés comme substrat supplémentaire pour le métabolisme, mais l’un d’entre eux, le butyrate, a également des effets bénéfiques sur les tissus squelettiques. Cela pourrait, selon les chercheurs, expliquer l’association observée entre la production de butyrate et la puissance. Ces AGCC sont également transformés par d’autres bactéries intestinales, produisant d’autres métabolites bénéfiques à l’homéostasie et à la muqueuse intestinale.
D’autres types de bactéries associées à une VO2max plus élevée comprenaient des espèces associées à un meilleur métabolisme du glucose.
« L’activité physique peut être une caractéristique de la diversité du microbiome, qui est en corrélation avec la santé générale et le maintien de l’homéostasie. » – Humińska-Lisowska K et al, 2024.
Des recherches complémentaires nécessaires
Selon les chercheurs, l’étude a confirmé que la pratique de l’exercice physique peut être un facteur de la diversité du microbiome, qui est à son tour un indicateur de bonne santé générale.
Cependant, les réponses individuelles restaient très variées, suggérant la possibilité de nombreux facteurs de confusion. Ces résultats mettent en évidence la relation complexe entre les différentes formes d’activité physique et l’expression du microbiote intestinal. Pour approfondir ces données, les chercheurs recommandent de mener d’autres études afin d’identifier les microbiomes spécifiques au sport, notamment auprès d’athlètes d’élite adaptés à différentes activités aérobies ou anaérobies.
« Nous avons été particulièrement enthousiasmés par l’enrichissement des bactéries dégradant les glucides indigestes dans le groupe d’endurance, ce qui suggère des adaptations spécifiques à la performance. » – Humińska-Lisowska K et al, 2024.