13 Mai 2024
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Santé cardiovasculaire

Les lipides laitiers sont-ils bons pour la santé métabolique ?

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Les produits laitiers ont longtemps été vantés pour leur densité nutritionnelle, mais les chercheurs débattent à propos des effets métaboliques des matières grasses laitières. De nombreuses recommandations nutritionnelles préconisent des produits laitiers sans matières grasses ou à faible teneur en matières grasses en raison des inquiétudes concernant les effets potentiels possibles des acides gras saturés (AGS) sur la cholestérolémie.

Une revue de la littérature vient semer le doute sur ce raisonnement. Réalisée par des chercheurs mexicains, elle rassemble des données d’études cliniques et de recherche fondamentale sur les effets métaboliques des acides gras laitiers et met en lumière leur relation avec les troubles métaboliques et la composition du microbiote de l’intestin [1].

Ces données suggèrent que les acides gras laitiers ne sont pas directement associés aux risques cardio-métaboliques et remettent en question la nécessité de recommander des produits laitiers pauvres en matières grasses pour prévenir l’obésité et les maladies cardio-métaboliques.

Quels sont les acides gras du lait et des produits laitiers ?

  • Les matières grasses laitières sont composées d’env. 62% d’acides gras saturés, 29% de mono-insaturés et 4% de poly-insaturés [2]
  • Les lipides laitiers sont principalement stockés sous forme de globules gras entourés d’une membrane appelée membrane des globules gras du lait (MFGM) [2]
  • Les principaux composants de la MFGM sont des triglycérides (95,8 %), avec des proportions plus faibles d’acides gras libres, de mono- et diglycérides, de phospholipides et de cholestérol [3]
  • Les triglycérides du lait contiennent près de 400 acides gras différents, qui ont un large éventail d’effets métaboliques en fonction de la longueur de leur chaîne et de leur niveau de saturation [3]
  • Les principaux acides gras présents dans le lait et les produits laitiers sont les acides palmitique, stéarique, oléique et myristique.

La plupart des lipides laitiers ont des effets pouvant contribuer à prévenir l’adiposité

Selon les données de recherche, si certains acides gras laitiers sont associés à une augmentation de l’adiposité, la plupart d’entre eux exercent des effets « anti-gras » qui peuvent contribuer à prévenir la prise de poids.

  • Plusieurs études cliniques ont montré que certains acides gras à chaîne moyenne et longue, présents dans les produits laitiers sont associés à une réduction de l’accumulation de graisse corporelle.
  • Des études précliniques suggèrent que certains acides gras laitiers pourraient exercer des effets préventifs en modifiant le métabolisme des lipides dans le tissu adipeux [4].

L’effet global des acides gras laitiers sur la prise de poids peut dépendre de la répartition et l’équilibre entre eux dans les différents produits laitiers. Pour les chercheurs, d’autres recherches cliniques sont nécessaires pour comprendre les mécanismes possibles par lesquels les graisses laitières peuvent contribuer à réduire l’adiposité.

La consommation de produits laitiers entiers, associée à une réduction du risque de diabète

Bien que toutes les études n’aient pas confirmé ces résultats, certaines d’entre elles démontrent que la consommation de produits laitiers entiers était associée à une réduction du risque de progression du diabète de type 2 (DT2)*. C’est notamment le cas dans une vaste étude multinationale dans laquelle les participants ont été suivis pendant une durée médiane de 9 ans [5].

Une vaste étude observationnelle a suggéré que les lipides laitières étaient associés à une meilleure tolérance au glucose par le biais de la sensibilité à l’insuline [6].

Des études précliniques suggèrent également que certains acides gras à chaîne courte présents dans les produits laitiers peuvent améliorer la sensibilité à l’insuline, augmenter la fonction des cellules β et réduire l’inflammation.

Les données suggèrent que même si certains acides gras laitiers sont associés à une résistance à l’insuline, cela n’entraîne pas un risque accru de DT2 lorsqu’ils sont consommés dans les aliments laitiers.

Les produits laitiers peuvent avoir des effets neutres ou bénéfiques sur le risque de maladies cardiovasculaires (MCV)

Les inquiétudes concernant les effets des produits laitiers entiers sur le risque de maladies cardiovasculaires sont nées de données historiques suggérant que les acides gras saturés étaient associés à une augmentation de la cholestérolémie. Toutefois, des études récentes confirment l’idée que les produits laitiers ont un effet neutre ou même bénéfique sur les maladies cardiovasculaires.

Les résultats de plusieurs essais contrôlés randomisés montrent que la consommation d’AGS provenant des produits laitiers peut augmenter le taux de LDL-cholestérol. Cependant, la littérature suggère que le LDL-C n’est pas un indicateur fiable ni une cause directe du risque de MCV, remettant en question l’approche prudente adoptée à l’égard des graisses laitières [7].

Une analyse plus poussée révèle que la consommation de produits laitiers riches en AGS peut augmenter les niveaux de HDL-cholestérol et n’a pas d’effets négatifs sur d’autres marqueurs des MCV, notamment la tension artérielle, l’inflammation et la fonction vasculaire [8].

Selon les chercheurs, il semble que les matières grasses laitières dans leur ensemble, ainsi que les acides gras individuels, aient des effets neutres ou mitigés sur l’athérogènèse, les profils lipidiques et l’inflammation.

Qu’en est-il du rôle du microbiote intestinal dans la santé métabolique ?

Les chercheurs ont également examiné la relation entre la consommation d’acides gras laitiers et le microbiote intestinal. Ils ont constaté que la consommation de produits laitiers est associée à des changements bénéfiques dans la composition du microbiote intestinal.

  • Des études cliniques montrent que la consommation de produits laitiers favorise l’abondance de certaines bactéries intestinales, telles que Bifidobacterium, associées à des propriétés anti-inflammatoires et à un risque plus faible de DT2.
  • Le microbiote intestinal peut également modifier les acides gras laitiers, produisant des métabolites potentiellement bénéfiques pour la santé métabolique.

 

Il est important de prendre en compte les effets sur la santé métabolique de l’ensemble de la matrice alimentaire à partir de laquelle les acides gras du lait sont consommés. Par exemple, les interactions entre les nutriments contenus dans les produits laitiers peuvent modifier les effets des acides gras individuels sur le métabolisme, modifiant ainsi le profil de risque cardio-métabolique global [9].

« Les acides gras contenus dans les produits laitiers ont des effets neutres, mitigés ou même positifs sur les maladies métaboliques (surpoids, obésité, DT2, MCV et athérosclérose) en modifiant les facteurs de risque tels que la résistance à l’insuline et l’expression des gènes liés à l’inflammation et à la dyslipidémie. » – Muñoz-Alvarez KY, et al, 2024

Les études menées dans le cadre de l’étude à grande échelle Prospective Urban Rural Epidemiology (PURE) s’ajoutent au nombre croissant de preuves soulignant la nécessité de réévaluer les lignes directrices qui recommandent d’éviter les produits laitiers entiers.

Selon l’étude, une alimentation comprenant davantage de fruits, légumes, noix, légumineuses, poisson et produits laitiers entiers est associée à une réduction des maladies cardiovasculaires et de la mortalité dans toutes les régions du monde (10).

Plus précisément, elle conclut qu’une consommation plus importante de produits laitiers entiers (mais pas de produits laitiers allégés) est associée à une prévalence plus faible des maladies métaboliques et de la plupart des facteurs qui les composent, ainsi qu’à une incidence plus faible de l’hypertension et du diabète (5).

*Le 1er mars 2024, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a approuvé une allégation de santé qualifiée concernant la consommation de yaourt et la réduction du risque de diabète de type 2 (T2D) : « Manger du yaourt régulièrement, au moins 2 tasses (3 portions) par semaine, peut réduire le risque de diabète de type 2 selon des preuves scientifiques limitées ».

Source : (1) Muñoz-Alvarez KY, Gutiérrez-Aguilar R, Frigolet ME. Metabolic effects of milk fatty acids: A literature review. Nutr Bull. 2024 Jan 16.
Références supplémentaires
(2) Fong, B.Y., Norris, C.S. & MacGibbon, A.K.H. (2007) Protein and lipid composition of bovine milk-fat-globule membrane. International Dairy Journal, 17(4), 275–288.
(3) Damodaran, S. & Parkin, K.L. (2017) Fennema’s food chemistry, 5th editio edition. Boca Raton, FL, USA: CRC Press, Taylor & Francis Group.
(4) Chávaro-Ortiz, L.I., Tapia, B.D., Rico-Hidalgo, M., Gutiérrez-Aguilar, R. & Frigolet, M.E. (2021) Trans-palmitoleic acid reduces adiposity via increased lipolysis in a rodent model of diet-induced obesity. British Journal of Nutrition, 2021, 1–9.
(5) Bhavadharini B, Dehghan M, Mente A, et al. Association of dairy consumption with metabolic syndrome, hypertension and diabetes in 147 812 individuals from 21 countries. BMJ Open Diabetes Res Care. 2020 Apr;8(1):e000826. doi: 10.1136/bmjdrc-2019-000826.
(6) Kratz, M., Marcovina, S., Nelson, J.E., Yeh, M.M., Kowdley, K.V., Callahan, H.S. et al. (2014) Dairy fat intake is associated with glucose tolerance, hepatic and systemic insulin sensitivity, and liver fat but not β-cell function in humans. The American Journal of Clinical Nutrition, 99(6), 1385–1396.
(7) Givens, D.I. (2022) Saturated fats, dairy foods and cardiovascular health: no longer a curious paradox? Nutrition Bulletin, 47(4), 407–422.
(8) Drouin-Chartier, J.P., Côté, J.A., Labonté, M.É., Brassard, D., Tessier-Grenier, M., Desroches, S. et al. (2016) Comprehensive review of the impact of dairy foods and dairy fat on Cardiometabolic risk. Advances in Nutrition (Bethesda, Md.), 7(6), 1041–1051.
(9) Astrup A, Geiker NRW, Magkos F. Effects of full-fat and fermented dairy products on cardiometabolic disease: food Is more than the sum of its parts. Adv Nutr. 2019;10(5):924S-930S.
(10) Mente A, Dehghan M, Rangarajan S, et al. Diet, cardiovascular disease, and mortality in 80 countries. Eur Heart J. 2023 Jul 21;44(28):2560-2579.