Les gens vivant plus longtemps, les scientifiques sont bien décidés à vaincre l’une des affections les plus courantes de l’âge avancé : la fragilité osseuse. Mais cela s’avère être un problème bien difficile à résoudre. Cette toute dernière étude – la plus vaste de ce type – suggère que la réponse ne consiste pas à boire des quantités de lait ou à ingurgiter de gros morceaux de fromage.
Nous devons plutôt examiner une approche plus holistique, concluent les auteurs – peut-être d’autres produits laitiers et la façon dont ils interagissent avec le reste de notre alimentation pour protéger nos os.
À mesure que nous vieillissons, la perte osseuse due à l’ostéoporose nous fait courir le risque de fractures douloureuses et invalidantes. Et avec les estimations selon lesquelles une femme sur trois et un homme sur cinq âgés de plus de 50 ans subiraient une fracture ostéoporotique, cette affection fait peser une lourde charge sur notre société mondiale.
Nous savons que le lait et les autres produits laitiers, tels que le yaourt et le fromage, peuvent nous apporter le bon cocktail de nutriments – calcium, vitamine D (dans les produits fortifiés) et protéines – nécessaire pour maintenir la santé de nos os. Mais les études conduites à ce jour ne nous ont pas dit si le fait de boire du lait, par exemple, peut réellement prévenir les fractures osseuses. Cela s’explique en partie parce que c’est trop demander aux personnes de suivre les restrictions alimentaires sur les longues périodes qui sont nécessaires dans de telles études. Et les études conduites ont donné des résultats contradictoires.
Intolérance au lactose : une source d’aide inattendue
Donc, comment résoudre ce dilemme ? Cela peut paraître étrange, mais quelques indices importants viennent d’un certain groupe de personnes qui ont une difficulté d’origine génétique à digérer le lait. Le sucre prédominant dans le lait – le lactose – est dégradé dans l’intestin par la lactase. Alors que la plupart des personnes en Europe du Nord continuent à produire de la lactase tout au long de leur vie, celles qui ont une « non-persistance de la lactase » montrent une diminution de l’enzyme. Pour elles, boire du lait peut provoquer des désordres digestifs, déclenchant des symptômes d’intolérance au lactose tels que des maux d’estomac et des diarrhées.
Il n’est donc pas surprenant que les personnes porteuses de ce trait génétique ne se battent pas pour acheter leur bouteille de lait. Et si elles évitent le lait parce que celui-ci les rend malades, il va sans dire que l’étude de la santé osseuse dans ce groupe de personnes est un moyen infaillible d’obtenir un tableau plus exact que les études qui reposent sur les changements alimentaires.
Relation entre la consommation de lait et le risque de fractures osseuses
Ces personnes faibles consommatrice de lait devraient avoir des os plus faibles et être plus sensibles aux fractures osseuses. Les auteurs de cet article ont donc examiné les liens entre la consommation de lait, la persistance de la lactase (démontrée par des tests génétiques) et le risque de fracture de la hanche dans le cadre de trois vastes études danoises. Ils ont également analysé les données sur la persistance de la lactase, les éventuelles fractures osseuses et la densité osseuse, générées par les cinq études antérieures menées en Europe du Nord.
Boire plus de lait pourrait ne pas protéger contre les fractures de la hanche
Parmi les plus de 73 000 personnes dont les données ont été examinées, les auteurs n’ont trouvé aucune preuve que l’augmentation de la quantité de lait que nous buvons fait une différence quant à notre risque de fracture de la hanche. Aucune différence marquée n’a été observée lorsque la consommation de lait a été doublée, passant de 2 à 4 verres par semaine, ou lorsque la consommation de lait a été comparée à l’absence de consommation de lait. De même, la consommation de fromage n’a été associée à aucune différence du taux de fractures de la hanche.
Les personnes qui ne digèrent pas le lactose boivent moins de lait …
Comme on pouvait s’y attendre, les personnes qui ne digèrent pas le lactose en raison d’une « non-persistance de la lactase » boivent moins de lait (en médiane, 3 verres par semaine) que celles qui digèrent normalement le lactose (5 verres par semaine), comme le montrent leurs tests génétiques.
… mais elles ne présentent pas un risque accru de fracture de la hanche
Bien qu’elles boivent moins de lait, les personnes qui ont du mal à digérer le lait n’ont pas plus de risque de fracture de la hanche que celles qui digèrent normalement le lait, ont découvert les auteurs. Le fait de pouvoir boire plus de lait ne semble donc pas conférer une protection particulière contre les fractures osseuses.
« D’un point de vue observationnel et génétique, la persistance à vie de la lactase n’a pas été associée aux fractures de la hanche. » – Bergholdt HKM et al, 2018
Le regroupement des études danoises et de l’analyse des études antérieures conduites en Europe du Nord a également suggéré que le risque fracturaire n’était pas modifié par la persistance de la lactase.
La solidité osseuse a été essentiellement similaire, quelle que soit la consommation de lait
Lors de la mesure de la solidité des os, la densité minérale osseuse au niveau de la hanche et du rachis a été quasiment la même chez les personnes qui digèrent le lactose (et qui boivent donc plus de lait) et chez celles qui ne le digèrent pas (et qui boivent donc moins ou pas de lait). Il a toutefois été montré que les buveurs de lait ont des os de la cuisse plus solides (densité au niveau du col fémoral).
Pouvons-nous nous protéger contre les fractures osseuses grâce à la consommation d’autres produits laitiers, comme le yaourt ?
Les auteurs soulignent que cette étude a uniquement examiné les effets de produits laitiers isolés — lait ou fromage — sur le risque de fractures osseuses. Or, les différents types de produits laitiers ont des caractéristiques différentes. Par exemple, dans une étude antérieure, les personnes ayant augmenté leur consommation de fromage ont présenté un risque de fracture de la hanche identique à celui des personnes n’ayant pas augmenté leur consommation de fromage, alors que les personnes ayant consommé des types de produits laitiers différents, dont le yaourt, ont présenté un risque plus faible de fracture de la hanche.
Les auteurs suggèrent qu’il pourrait être plus pertinent d’examiner la matrice laitière entière, et même la matrice alimentaire entière – nutriments, fermentation et transformation – car cela pourrait modifier la façon dont les nutriments agissent dans le corps.
« La matrice laitière entière composée de macro- et micronutriments tels que les lipides, les protéines, les glucides, les vitamines, le sodium et les minéraux ainsi que la structure des produits laitiers … la fermentation et la transformation doivent être pris en compte. » – Bergholdt HKM et al, 2018
Pour en savoir plus : lire l’article original.
Source: Bergholdt HKM, Larsen MK, Varbo A, et al. Lactase persistence, milk intake, hip fracture and bone mineral density: a study of 97 811 Danish individuals and a meta-analysis. J Intern Med. 2018 Mar 14.