Modifier son alimentation pour la planète et pour sa propre santé peut s’avérer délicat. D’une part, nous voulons choisir des aliments plus durables, ayant moins d’impact sur l’environnement ; d’autre part, nous ne voulons pas nous priver de nutriments qui peuvent provenir d’aliments moins respectueux de la planète. Que faire ?
Les scientifiques pensent avoir trouvé une réponse à cette question. En créant des modèles prédictifs sur l’impact des changements alimentaires, ils ont proposé une modélisation qui pourrait aider à passer à une alimentation plus végétale, à la fois saine et respectueuse de l’environnement, tout en tenant compte de ce que nous avons l’habitude de manger. Ce modèle alimentaire prévoit une réduction progressive de la quantité de viande consommée, tout en la remplaçant par des nutriments fournis par d’autres aliments, notamment les fruits, les légumes, les céréales complètes et les produits laitiers (1).
La bonne nouvelle, c’est que même de petits changements peuvent contribuer à nous mettre sur la voie d’un avenir meilleur.
Des régimes riches en végétaux pour un avenir durable
Les régimes alimentaires comprenant principalement des aliments d’origine végétale sont associés à des avantages à long terme pour la santé et l’environnement. Leur production a moins d’impact sur les ressources environnementales que la production de viande, ce qui en fait une source alimentaire plus durable.
Mais la viande est une source importante de protéines et d’acides aminés essentiels, de minéraux et de vitamines, notamment de fer, de zinc et de certaines vitamines B qui peuvent être difficiles à obtenir à partir des plantes. Le maintien d’un niveau équilibré et suffisant de ces nutriments peut donc s’avérer difficile pour les personnes qui souhaitent réduire leur consommation de viande sans conseil ou accompagnement.
Comment réduire sa consommation de viande de manière sûre et durable ?
Pour répondre à cette question, les scientifiques ont élaboré un modèle alimentaire qui introduit la réduction progressive de la consommation de viande tout en conservant une alimentation saine et nutritive. Partant de la consommation typique d’un adulte français, ils ont utilisé la modélisation mathématique pour réduire la viande par paliers successifs de 10 %, chaque palier étant conçu pour être plus sain (1).
Chaque étape du modèle alimentaire comprenait plus de fruits, de légumes et de céréales complètes, mais moins de viande, de boissons gazeuses et de produits céréaliers raffinés tels que le pain blanc, les pâtes et le riz. À mesure que la consommation de viande diminuait, les quantités d’autres aliments d’origine animale – fruits de mer, produits laitiers et œufs – étaient maintenues ou augmentées afin de conserver un bon équilibre en nutriments. Ils ont joué un rôle croissant dans l’apport de certains nutriments tels que le fer et le zinc, les vitamines A et B12 et l’iode au fur et à mesure de l’évolution du régime.
Les chercheurs ont découvert que les premières étapes de ce modèle avaient le plus grand impact sur une alimentation saine et durable. Les premières étapes comprenaient l’élimination des viandes rouges et transformées au profit de la volaille, ainsi qu’une augmentation rapide de la consommation de fruits, de légumes et de céréales complètes.
« Cette étude démontre qu’il est possible de réduire la part de la viande dans le régime alimentaire, voire de la supprimer totalement, sans mettre en péril la sécurité nutritionnelle (à condition que les régimes soient correctement structurés). » – Dussiot A, et al, 2022
Dans les dernières étapes du modèle, la volaille était la seule viande restante et sa réduction a eu un impact moindre sur une alimentation saine et durable. Certains nutriments étaient limités, en particulier le fer, le zinc et la vitamine A, mais il était possible de retrouver des niveaux suffisants en restructurant les régimes basés sur des groupes d’aliments autres que la viande.
Trois étapes vers une réduction équilibrée de la consommation de viande
Les étapes modélisées par les chercheurs peuvent être résumées comme suit :
- Remplacer les viandes rouges et transformées par de la volaille et les produits céréaliers raffinés par des céréales complètes ; réduire les boissons gazeuses
- Réduire progressivement la volaille, en la remplaçant par des fruits de mer, des œufs et des produits laitiers, et en augmentant la consommation de fruits, légumes et céréales complètes
- Supprimer totalement la viande, en maintenant une forte consommation de fruits, légumes et céréales complètes, et en incluant des produits laitiers, des fruits de mer et des œufs.
Quel rôle pour les substituts de viande dans un régime alimentaire sain et durable ?
Une autre façon de réduire nos repas carnés est de passer à des substituts de viande à base de plantes. Conçus pour avoir le même aspect et le même goût que les produits carnés, ces substituts gagnent en popularité. Les produits tels que les « burgers et saucisses végétaux » ne sont pas uniquement destinés aux végétariens, mais à tous ceux qui souhaitent manger moins de viande. En outre, les substituts de viande peuvent facilement être incorporés dans un régime alimentaire flexitarien – riche en végétaux variés et intégrant de petites quantités de viande, poisson et produits laitiers en quantité variable. – reconnu pour être un choix sain et durable.
En particulier, les substituts de viande peuvent être une excellente solution pour ceux d’entre nous qui vivent dans les pays occidentaux, où la viande fait partie intégrante de nos repas quotidiens et où il n’est pas facile de l’éliminer du menu. La remplacer par des substituts de viande d’origine végétale est une option intéressante, car ils peuvent être utilisés de la même manière que la viande et ne nécessitent pas de grands changements dans l’organisation des repas.
Les substituts de viande sont composés d’une multitude d’ingrédients différents, notamment des protéines de soja, de blé ou de pois et toutes sortes de légumes secs, de céréales, de légumes, d’herbes et d’épices. Jusqu’à présent, il y avait peu de données sur la composition optimale d’un substitut de viande pour maximiser la qualité globale de l’alimentation et la nutrition.
Les scientifiques ont donc cherché à mettre au point un substitut de viande qui réponde à ce défi. Ils ont étudié la manière dont les différents substituts de viande peuvent modifier la qualité de l’alimentation des individus et chercher les ingrédients les plus adaptés afin d’améliorer la qualité nutritionnelle. À l’aide de modèles informatiques, ils ont conçu un substitut de viande entièrement végétal et composé d’ingrédients peu transformés (2).
Exemple de substitut de viande d’origine végétale conçu pour des apports nutritionnels optimisés
- 47 % de légumes secs – contribuent à la teneur en fer
- 18 % de légumes cuits – source de vitamine C
- 15 % de céréales – contribuent à la teneur en fer
- 5 % de noix et de graines – source d’acides gras essentiels oméga-3
- 5 % de fruits et légumes secs – source de vitamines B
- 5 % d’huiles végétales – source d’acides gras essentiels oméga-3 et oméga-6
- 4 % d’amidon – contribue à la teneur en hydrates de carbone
- 1 % d’herbes, d’épices et de sels – contribuent à la teneur en calcium et en fer
Ce substitut « optimisé » est riche en protéines, pauvre en acides gras saturés, riche en fibres et globalement plus nutritif que la viande qu’il remplace. Les chercheurs ont constaté qu’il fournissait des niveaux élevés de certains nutriments qui font souvent défaut dans les régimes à base de viande, tels que les acides gras essentiels (oméga-3 et oméga-6), l’acide folique et la vitamine C. Il fournissait également des niveaux plus faibles d’acides gras saturés et de sodium que la viande transformée.
Ce substitut de viande fournit la plupart des nutriments essentiels que nous tirons normalement de la viande, notamment la vitamine B6, le potassium et le fer. Cependant, il ne peut compenser complètement les niveaux idéaux de zinc et de vitamine B12. La recherche d’options saines et durables est donc toujours d’actualité et les recherches futures pourraient porter sur d’autres solutions, basées sur différents ingrédients, afin d’obtenir des résultats nutritionnels et environnementaux optimaux.
“En choisissant les bons ingrédients, on peut obtenir un substitut de viande très efficace sur le plan nutritionnel, qui pourrait compenser les réductions de nombreux nutriments apportés par la viande tout en fournissant des nutriments clés qui sont actuellement consommés de manière insuffisante”. – Salomé M, et al, 2022
Alors, comment s’assurer que les régimes pauvres en viande fournissent suffisamment de nutriments ?
Des études antérieures ont montré que l’enrichissement des substituts de viande pouvait contribuer à maintenir des apports adéquats en vitamine B12, en zinc et en fer (3,4). Certains substituts de viande d’origine végétale sont déjà enrichis – par exemple, 24 % des substituts de viande d’origine végétale en Australie sont enrichis en vitamine B12, 20 % en fer et 18 % en zinc (5). Ces nutriments peuvent également être apportés par d’autres groupes alimentaires, tels que les fruits de mer, les produits laitiers et les œufs (3).
Pour en savoir plus, lisez les articles originaux :
-
Dussiot A, Fouillet H, Perraud E, et al. Nutritional issues and dietary levers during gradual meat reduction – A sequential diet optimization study to achieve progressively healthier diets. Clin Nutr. 2022 Dec;41(12):2597-2606. doi: 10.1016/j.clnu.2022.09.017. Epub 2022 Oct 4. PMID: 36306564
-
Salomé M, Mariotti F, Nicaud M-C, et al. The potential effects of meat substitution on diet quality could be high if meat substitutes are optimized for nutritional composition – a modeling study in French adults (INCA3). Eur J Nutr. 2022 Jun;61(4):1991-2002. doi: 10.1007/s00394-021-02781-z. Epub 2022 Jan 31. PMID: 35098325
Références complémentaires:
-
Van Mierlo K, Rohmer S, Gerdessen JC. A model for composing meat replacers: Reducing the environmental impact of our food consumption pattern while retaining its nutritional value. J Clean Prod. 2017;165:930-950. doi: 10.1016/j.jclepro.2017.07.098
-
Mertens E, Biesbroek S, Dofková M, et al. Potential Impact of Meat Replacers on Nutrient Quality and Greenhouse Gas Emissions of Diets in Four European Countries. Sustainability. 2020;12:6838. doi: 10.3390/su12176838
-
Curtain F, Grafenauer S. Plant-Based Meat Substitutes in the Flexitarian Age: An Audit of Products on Supermarket Shelves. Nutrients. 2019 Oct 30;11(11):2603. doi: 10.3390/nu11112603.