Lors des récentes journées d’études de l’AFDN, organisée en juin 2018 à Antibes, YINI a participé à une conférence organisée par Danone à l’attention des diététiciens. A cette occasion, Marie-Caroline Baraut, diététicienne-nutritionniste et enseignante, a pu faire le point sur les bénéfices santé du yaourt notamment dans le cas de l’intolérance au lactose.
Yaourt et santé : une très longue histoire
Les hommes ont toujours connu de façon empirique les propriétés santé des laits fermentés. Des résidus alimentaires dans les fouilles archéologiques montrent en effet la présence de laits fermentés dans l’alimentation depuis des millénaires (lait Ribot en Gaulle, Kéfir au Moyen-Orient ou encore Koumys en Asie centrale). Les historiens rapportent l’arrivée du yaourt en France pendant la Renaissance. Il sera en effet produit par un médecin turc, pour la cour du roi François Premier, dans le but de guérir le roi de troubles fonctionnels intestinaux invalidants. Si l’initiative est couronnée de succès, la recette repart avec le médecin turc. Les nouvelles traces historiques nous emmènent alors au 20eme siècle avec le travail d’Isaac Carasso. Ce médecin découvre l’intérêt du yaourt grâce à un exilé Bulgare. Il y voit alors un intérêt pour la digestion mais aussi pour les apports nutritionnels. Il se rapproche d’Elie Metchnikoff, un disciple de Pasteur, pour étudier ce produit et sa fermentation et identifier ainsi les ferments spécifiques qui font la richesse du yaourt actuel. La première unité « industrielle » de fabrication de yaourt est créée en 1919 par Isaac Carasso et le yaourt tel qu’on le connait apparaît dans les ménages. Avec les années 50 et l’avènement du réfrigérateur, sa consommation se répand plus largement et l’on passe d’un produit vendu en pharmacie à l’aliment de grande consommation que l’on connait aujourd’hui.
Yaourt, santé et intolérance au lactose : quelle réalité ?
Historiquement, le yaourt est associé à des bénéfices digestifs et l’on sait qu’il est intéressant nutritionnellement mais quelles sont les données scientifiques étayant ses actions sur la santé ?
Concrètement, le yaourt est issu de la fermentation du lait par 2 ferments : Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus que l’on retrouve vivant à raison de 107 UFC/g dans le produit à la date limite de consommation. Ces 2 bactéries thermophiles ont pour rôle d’abaisser le pH du lait et favoriser la constitution d’un gel, qui va faire la spécificité du yaourt. Il est intéressant de noter qu’en fin de fermentation, 1/3 du lactose du lait aura été transformé en acide lactique par les ferments.
Le lactose est le principal glucide du lait et des produits laitiers. C’est un glucide fermentescible, qui fait partie de la famille des FODMAPS. Sa teneur varie en fonction des produits (~5g/100g de lait) et pour être digéré, ce lactose nécessite une enzyme qui se situe au niveau de la paroi intestinale, la béta-galactosidase ou lactase, qui libère alors du glucose et du galactose ensuite métabolisé dans le foie et qui joue un rôle important notamment au niveau du tissu cérébral.
La lactase est présente chez le nouveau-né en grande quantité avant de diminuer progressivement et de rester à un taux « stable » chez l’adulte. Ce déficit en lactase est normal et programmé, mais tout ce qui peut perturber l’intégrité intestinale peut aussi affecter ce taux.
C’est ce taux de lactase qui va influencer la digestion du lactose et le degré de malabsorption ou d’intolérance.
On estime qu’entre 6 et 10% des adultes français sont intolérants au lactose, avec une pathogénie commune aux intolérances aux FODMAPS. La malabsorption de quelques grammes de lactose étant asymptomatique, il est bon de définir un seuil de « tolérance » au-delà duquel la malabsorption du lactose s’accompagne de symptômes tel que douleurs, ballonnements, diarrhées. Ce seuil est fonction de l’activité résiduelle de la lactase, variable d’un individu à l’autre.
La plupart des hypolactasiques peuvent consommer jusqu’à 12 g de lactose (25 cl de lait) sans troubles particuliers. Au-delà, les recommandations diététiques incluent de :
- Diminuer la charge en lactose sous forme de lait
- Fractionner les prises
- Incorporer le lait dans d’autres préparations
- Proposer la consommation de lait délactosé
- Privilégier la consommation d’autres produits laitiers (yaourt ou fromage)
En particulier, la consommation du yaourt a un intérêt majeur dans l’intolérance du lactose. Les ferments, afin de pouvoir exploiter la source d’énergie qu’est le lactose, produisent leur propre lactase et la texture « gélifiée » du produit permet d’agir sur la digestibilité et une vidange gastrique ralentie que le lait.
Yaourt et santé : d’autres données prometteuses ?
Aujourd’hui, le yaourt fait partie des habitudes alimentaires françaises et est un contributeur intéressant aux apports nutritionnels. En effet, si les produits laitiers contribuent peu aux apports énergétiques, ils sont intéressants au niveau des apports protéiques mais surtout, ils représentent près de la moitié des apports calciques chez les Français.
Et puis, au-delà des apports nutritionnels et de la digestion du lactose, de plus en plus d’études scientifiques mettent en évidence des bénéfices du yaourt sur la santé.
La consommation de yaourt est ainsi associée à une meilleure qualité de la diète : selon une méta-analyse de 2016 (22 cohortes, 570 000 individus, 43 000 cas de diabète), la consommation de 80 g de yaourt/jour est associée à une diminution de 14% du risque de diabète de type 2. De même, une publication de 2016, basée sur l’analyse des études épidémiologiques récentes, met en évidence qu’une consommation régulière de fruits secs, fruits, légumes, poissons, huiles végétales et yaourt favorise une bonne santé cardiométabolique.
La recherche sur les bénéfices pour la santé de la consommation régulière de yaourts continue, on n’est qu’au début !
Merci encore à Marie-Caroline Baraut (https://www.cours-bts-dietetique.fr ) pour cette intervention.
Ressources bibliographiques :
- Cahiers de nutrition et de diététique (2017) 52S
- Lecerf JM, Colin J, HebelP, BongardV, Ferrieres J (2016). Les consommateurs de produits laitiers frais : des consommateurs comme les autres ? Analyse de leurs profils alimentaires et nutritionnels. Nutrition Clinique
- GijsbersL, Ding EL, Malik VS, de GoedeJ, GeleijnseJM, Soedamah-Muthu SS. ; Consumption of dairy foods and diabetes incidence: a dose-response meta-analysis of observational studies. Am J ClinNutr. 2016 Apr;103(4):1111-24.
- Mozaffarian D; Dietary and policy priorities for cardiovascular disease, diabetes and obesity, a comprehensive review; 2016. Circulation. 2016; 133:187-